« Bienveillance », quand je te tiens !
Altruisme, amabilités, indulgence, douceur, clémence, … ou bienveillance. S’il y a bien un terme en vogue ces derniers temps, c’est celui-là. Mis à toutes les sauces, son utilisation conduit aujourd’hui les dirigeants à des écarts de comportements inattendus avec des effets pervers auprès des collaborateurs. Nous sommes sur le point de confondre gentillesse et bienveillance. Le risque est d’installer dans les entreprises un ventre mou hypocrite de l’altérité.
Les titres de livres et journaux abondent sur le sujet.
« La crise sanitaire a favorisé la bienveillance et l’attention aux autres » Ouest France – 7 juillet 2021
« La bienveillance des entreprises serait-elle devenue une valeur rentable ? » Les Echos – 02 décembre 2021
Une revue de presse à ce sujet serait bien trop longue. Les appels à la bienveillance seraient soi-disant unanimes dans le monde du Management. Pourquoi pas, chiche ? Les statistiques sur la bienveillance sont imprécises, donc comment affirmer une telle tendance ? Regardons plutôt les chiffres liés aux Risques Psycho-Sociaux.
Quelques chiffres pas sympathiques :
Le 9 juin 2021, un sondage OpinionWay pour le Cabinet Empreinte Humaine soulignait que le nombre de burn-out avait doublé en un an en France. 2 Millions de personnes seraient en burn-out sévère ! Les conséquences sont désastreuses à différents niveaux. Tant du point de vue du salarié que de l’employeur, et de facto auprès de l’Assurance Maladie. Bienveillance, où es-tu ?
Une enquête de l’Institut de Veille Sanitaire rapporte que 24 % des hommes et 37 % des femmes déclarent présenter des souffrances psychiques au travail en France.
Enfin, les coûts du stress et des risques psychosociaux ont été évalués entre 3 à 4% du PIB en 2020 pour un total estimé entre 2 et 3 milliards d’Euros selon l’Assurance Maladie Source : BIT (Bureau International du Travail) et INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles).
Le risque de « social washing » à côté de la bienveillance :
Au-delà de ces chiffres inquiétants, nous pouvons effectivement nous interroger sur la corrélation entre l’augmentation du stress au travail et l’efficacité des salariés et de leurs managers.
Les services autour de la QVT (Qualité de Vie au Travail) fleurissent de plus en plus. Cependant gare au « social washing ». Les effets sont contre-productifs par manque de sincérité. L’impact est visible si on observe le turn-over. 43% des salariés recherchent un nouveau travail dans les 12 mois qui suivent leur embauche. On pense à tort que ces chiffres touchent les cadres de plus de 50 ans usés par le stress de leurs responsabilités. Selon les sources (Hay Group ou Harvard Business Review) cette vision qui toucherait principalement les quinquagénaires est un raccourci car 50 à 68% des millenials se mettent en quête d’un nouveau projet professionnel dans l’année qui suit leur prise de fonction.
Au-delà du Management autoritaire …
Pendant tout le siècle dernier, les erreurs relevées en matière de management soulignaient généralement les dérives évidentes et prévisibles d’un Management autoritaire dépassé.
En fait, qu’est-ce qu’un Management autoritaire ? Un style qui impose des règles unilatéralement ou bien une méthode qui s’exprime dans le cadre de pseudo-négociations ? Ici, les deux à la fois, bien-sûr. Les managers ont souvent confondu respect des règles et l’autoritarisme.
Le contre-pied de ce style qui a bien occupé les entreprises depuis plus d’un siècle, a conduit les dirigeants à être plus à l’écoute de leurs collaborateurs pour différentes raisons. Un besoin d’humanisme pour faire bouger les lignes, certes, mais aussi la constatation pragmatique que les résultats de l’autoritarisme ne généraient pas plus de résultats.
A contrario, les tentatives maladroites d’un management « bienveillant » en mode « Bisounours » ne trompent personnes. La bienveillance, c’est aussi oser dire les choses. Même quand elles peuvent être désagréables à entendre ! La démarche sous-entend simplement le respect dans le fond et dans les formes. Il est possible d’être ferme sans être insultant, et sans avoir besoin de montrer ses galons.
Un management considérant l’être humain dans toute sa dimension en tant que ressource stratégique au même titre que les ressources financières est une véritable opportunité. Il s’agit d’être respectueux et reconnaissant au plus juste. Autoriser le port du short et installer un baby-foot n’est pas une fin en soi pour espérer que les salariés se sentent mieux face à un manager qui ne sait pas communiquer.
Action – Réaction – Formation !
Former ses managers au leadership, à la prise de parole, à l’assertivité fait partie des fondamentaux du management. Les managers s’appuient très souvent sur les compétences et expertises techniques. J’ai toujours beaucoup de plaisir à accompagner des managers qui acceptent de lâcher du lest sur leurs certitudes techniques ou financières.
Les sessions de formations ou de coaching que je mène commencent généralement par des exercices de connaissance de soi et de compréhension des valeurs qui nous animent. Nous voyons ensuite comment elles interagissent avec celles de l’entreprise. J’amène le manager travaille en creuser son questionnement le plus profond. Parfois dans la douceur. Parfois dans la douleur. C’est souvent l’occasion de comprendre comment s’inscrire dans un management respectueux, sincère et épanouissant. C’est à ce prix, loin de la calino-thérapie, que l’alignement des valeurs permet aux managers de progresser en matière de leadership et aux salariés de recevoir la reconnaissance attendue.
Et surtout, au final, … pour y prendre beaucoup de plaisir !